Épisode 6

de l’individualisation des responsabilités à l’Union sacrée :

un renversement des hiérarchies…

 

 

Depuis le début de son quinquennat comme dans le quinquennat précédent en qualité de Ministre de l’Économie, Emmanuel Macron n’a eu de cesse de remettre en question les solidarités (sociales, territoriales, …) en renvoyant chacun à sa propre et unique responsabilité, dans ses réussites mais surtout ses échecs, faisant fi des déterminismes, sociaux, territoriaux…

Comment oublier :

« je traverse la rue, je vous en trouve ? »

 

ou encore au sujet des salariés de GM’S « Il y en a, au lieu de foutre le bordel, il ferait mieux de regarder s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas » : c’était à Egletons, jour où les élus creusois venus soutenir les salariés GMS se sont faits « gazer » par les forces de l’ordre dans le cadre de la visite présidentielle.

 

Mais encore lors de l’inauguration du plus grand incubateur de start-up au monde, dans la hall Freyssinet à Paris (une ancienne gare) : « Une gare, c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien … »

Et pour les français qui ne partagent le sens de ses réformes : dans un discours au Danemark, il compare les danois – « un peuple luthérien »– et les français, « des Gaulois réfractaires au changement ».

Et puis cette phrase qui raisonne aujourd’hui de façon amère dans le contexte sanitaire puisqu’il fait référence à la politique de soins : « le pognon de dingue !!! »

 

Autant de petites phrases qu’il faut associer aux différentes réformes qui ont conduit aux différentes formes d’individualisation des responsabilités : individualisation des pensions (réforme des retraites), individualisation de la gestion des carrières (réforme fonction publique), individualisation des rémunérations (recours aux primes et indemnités), individualisation de sa situation vis à vis de l’emploi (réforme de l’allocation chômage), et, individualisation du parcours des élèves (parcoursup’, réforme du collège et réforme du lycée), individualisation de sa protection santé…

Alors, dans cette période de crise sanitaire, le discours martial

du « chef de Guerre contre le virus » sonne… creux !!!

Tout comme l’appel à l’unité Nationale…

Le discours guerrier a sans doute pour ambition de dramatiser pour mobiliser ou préparer aux nombreuses pertes de vies humaines. Mais il ne fera pas oublier que le « chef de guerre » a envoyé les « femmes-soldats » (les métiers « au front » sont parmi les plus féminisés : caissières, infirmières, aide-soignantes… : voir épisode 4), les salarié.es les plus précaires (livraisons, nettoyage…) au front sans arme et plus généralement le manque de moyens de l’hôpital (voir épisode 1). Il ne fera pas oublier non plus que ces 7 dernières années au pouvoir n’ont été que mépris pour les professions qui aujourd’hui assurent le fonctionnement quotidien du pays. « Ceux qui [n’étaient] rien » quand il inaugurait « son » incubateur de start-up sont aujourd’hui TOUT : ce sont ceux qui font tourner et vivre le pays…

Liberation : dans-ses-discours-macron-a-clairement-la-volonte-de-dramatiser-pour-mobiliser

 

Marianne. : la-semantique-guerriere-de-macron-

 

A quoi renvoie l’union sacrée ?

 

france culture : chair à canon et soldat sans armes face au virus : ce que vaut le détour par14/18

 

Chloé LEPRINCE analyse que : « Depuis l’annonce des mesures de confinement pour lisser les effets du Covid-19 sur l’hôpital public, l’expression “Union sacrée” fleurit justement un peu partout. Dans son allocution à la veille de l’entrée en vigueur du confinement, Emmanuel Macron a appelé, lundi 16 mars, à “la cohésion de la Nation”, disant encore « La France unie, c’est notre meilleur atout dans la période troublée que nous traversons ».

L’Union sacrée renvoie directement à la Première guerre mondiale

Et la journaliste de poursuivre : « Une fois proclamée, à quoi sert l’Union sacrée incarnée par cette classe politique soudain prête à la trêve ? A produire du consentement dans la population. Les deux s’encastrent comme des poupées russes : il s’agit, via l’appel à l’Union sacrée, de construire un socle de consensus durable, et tenace aussi, qui repose d’abord sur l’idée que l’effort de guerre est non seulement indispensable, impérieux, non-négociable… mais qu’il est aussi légitime ».

Ainsi, il s’agit de « produire du consentement » dans la population, au confinement dans un enjeu sanitaire qui n’est plus à démontrer mais aussi le train de mesures, qui, par ordonnances, vont accompagner la proclamation de l’État d’urgence sanitaire. Des mesures économiques, sociales et politiques qui pourront s’inscrire au-delà de la crise sanitaire et que nous analyserons dans un prochain épisode.

L’analyse de Michel WIEVIORKA (sociologue français) est intéressante. Il considère que « Parler de « guerre » me semble inadapté, incongru et déplacé, c’est même une faute s’il s’agit aujourd’hui du Covid-19 ».

Il poursuit : « le discours de la guerre ne veut voir que l’unité du corps social, il interdit le traitement démocratique de ce qui nous divise, et face à l’épidémie il autorise l’opacité, la dissimulation de la part du pouvoir. Ce qui est contre-productif dans un tel combat »

Et d’ajouter : « D’un coup, nous sommes confrontés à notre capacité de (sur)vivre et de nous projeter vers l’avenir. Nous découvrons les impasses de la pensée technocratique, purement gestionnaire, et comptable, à laquelle bien des gauches ont adhéré, perdant alors leur âme. Nous constatons que l’État, en s’éloignant de politiques de redistribution, en cessant d’investir suffisamment dans des domaines cruciaux comme l’éducation ou la santé, a failli, et qu’il faut le repenser, au plus loin des dogmes néo-libéraux. »

 

Lire l’intégralité de l’entretien dans La tribune Auvergne-Rhône Alpes

 

 

Est ce que pour autant, dans cette période critique qui expose

et met en danger les plus fragiles de la Société,

le Président-chef de guerre réoriente

sa politique  économique et sociale ?