Nous assistons actuellement, en Creuse, et sur tout le territoire français, à une crise de l’accueil et de la solidarité, et une mise en danger des personnes exilées par des politiques de restriction et d’exclusion dont les gouvernements successifs se font les champions. Collectivement, nous revendiquons la régularisation des personnes sans-papiers, la protection des mineur·e·s non accompagné·e·s, le respect de la dignité et des droits humains.
Circulaire Retailleau : une limitation du champ des régularisations exceptionnelles
La circulaire du ministre de l’intérieur Bruno Retailleau du 23 janvier 2025 abroge la circulaire dite Valls du 28 novembre 2012 qui visait une « une juste prise en compte de certaines réalités humaines ». Elle se situe dans la continuité d’une politique dangereuse qui consiste à stigmatiser, suspecter et précariser les personnes étrangères. Frein aux migrations, surveillance, contrôle, fermeté sont les maîtres mots d’un ministre qui félicite le même jour un collectif xénophobe d’extrême droite, avant de se dédire.
En 2023, seuls 8 % des migrant·es ont été régularisé·es en France au titre de l’AES (Admission Exceptionnelle au séjour) -chiffres du ministère de l’Intérieur*. Il ne faut pas s’y méprendre. Les régularisations sont déjà exceptionnelles et se font au compte-goutte.
Ces chiffres, dérisoires, illustrent l’absurdité du focus mis sur les personnes étrangères décrites comme un problème.
Le ministre de l’Intérieur a également annoncé vouloir remettre en cause l’Aide médicale de l’État (AME). La santé des personnes exilées est à nouveau instrumentalisée pour venir alimenter des considérations de politique migratoire. Nous souhaitons rappeler que l’AME est un dispositif de santé, essentiel pour l’accès aux soins des personnes et qu’elle répond à des enjeux de santé publique. A ce titre, cette politique publique se décide au ministère de la Santé. Nous nous inquiétons de voir nos gouvernant·es s’approprier la rhétorique d’extrême droite basée sur l’appel d’air et les dépenses incontrôlées, pourtant largement pourfendue par nombres d’études et rapports récents. Enfin, nous alertons sur le fait qu’environ un quart des bénéficiaires de l’AME sont mineur·es, et qu’il est intolérable de vouloir priver des enfants de l’accès aux soins.
Au lieu de s’aligner sur les avancées d’autres pays comme l’Espagne ou sur les recommandations dressées par les acteurs sociaux, ces « orientations générales » invitent les préfets à resserrer la vis de la régularisation.
Dans la logique de la loi Darmanin, cette circulaire participe au renforcement de la machine à bannir et à expulser les personnes étrangères. Le ministre Retailleau nous avait habitué·es à flatter racisme et xénophobie, sa circulaire ne va faire que renforcer une politique qui ne fonctionne pas, augmenter la misère, la précarité et les souffrances humaines.
Qui osera encore demander une régularisation, alors qu’en plus un refus de régularisation par la préfecture entraînera automatiquement une OQTF ?! Pourtant, tout le monde sait bien qu’aujourd’hui bien des maisons ne seraient pas bâties, bien des personnes âgées ne seraient pas aidées, bien des secteurs comme l’hôtellerie-restauration ou l’agriculture auraient du mal à fonctionner sans les « sans-papiers ». Ces mesures sont une absurdité économique et sociale.
Une circulaire ne peut modifier une loi. Ainsi, les motifs de régularisation de plein droit et notamment les liens personnels et familiaux restent applicables. Par ailleurs, au-delà de l’effet d’annonce, nombre des mesures indiquées n’ont rien de nouveau comme l’absence de menace à l’ordre public ou d’une situation de polygamie pour prétendre à une admission au séjour. Ce texte renforce ainsi le pouvoir d’arbitraire qu’ont déjà les préfectures, sans prendre en considération les limites posées par la jurisprudence et l’état de droit.
Compilation d’extraits de textes issus de communiqués :
Congrès National – Rennes 2025 – Extraits de textes issus du congrès
En 2020, l’ONU estimait à 281 millions le nombre de migrant·es dans le monde, soit 3,6% de la population mondiale, la plupart des migrations internationales étant régulières et régionales, liées aux opportunités et aux moyens de subsistance. Le nombre de personnes déplacées atteint le chiffre record de 117 millions en 2022, ce qui souligne l’urgence de remédier aux crises à l’origine des déplacements subis en accentuant la coopération régionale et internationale.
Présentées comme un coût ou un danger par les discours dominants, les migrations sont avant tout un moteur de développement humain et sont par ailleurs bénéfiques économiquement. Le droit d’asile est un droit essentiel, largement remis en cause en France comme dans l’Union Européenne.
La FSU continuera de soutenir les actions d’aide aux migrant·es et diffusera les informations concrètes et factuelles sur le sujet pour que cesse la désinformation.
La loi dite « loi immigration » promulguée en janvier 2024 reprend les idées xénophobes et racistes défendues par l’extrême droite et la droite dure et votée par une majorité de député·es. Elle a été largement censurée par le Conseil Constitutionnel. Elle va encore dégrader les conditions de vie déjà très dures des migrant·es. Elle n’ouvre aucune voie nouvelle de régularisation pour les sans-papiers. Pour la FSU, cette loi, dans sa lettre et dans son esprit, attaque les droits fondamentaux des étranger·es. La FSU exige son abrogation, ainsi que le retrait de la Circulaire Retailleau. Elle réclame la déconnexion de l’apprentissage du français de la naturalisation. Le principe de préférence nationale inscrit initialement dans cette loi menace aussi toute la société française d’un basculement vers une société toujours plus fracturée, inégalitaire et intolérante.
La FSU dénonce la politique administrative mise en place visant à allonger sans discernement les procédures de renouvellement des titres de séjour. C’est pourquoi, la FSU continuera de se battre pour obtenir par tous moyens la régularisation de tous les sans papiers et le retrait des circulaires fixant aux préfets des objectifs d’expulsions.
De plus, face à la montée du racisme et contre la loi immigration, la FSU continuera de se battre pour l’amélioration des droits de toutes et tous pour tendre vers l’égalité. Il est donc essentiel que la facilitation des naturalisations reste un objectif et que le droit de vote des étranger·es sous condition de résidence soit obtenu pour toutes et tous à toutes les élections.
En 2022, 94 enfants étaient enfermé·es dans des centres de rétention administrative (CRA) dans l’hexagone, et 2 905 à Mayotte. L’unique avancée de la loi « immigration » est l’interdiction de la rétention des mineur·es de moins de 18 ans en CRA, qui ne sera cependant effective qu’au 1er janvier 2027 à Mayotte. La FSU combat l’allongement de la durée de rétention administrative (passée de 7 jours à 90 jours depuis 1981) et dénonce les conditions inhumaines des personnes retenues dans ces centres. La FSU réaffirme son opposition à ces pratiques et demande la fermeture immédiate des CRA.
Face à la volonté de retirer le droit du sol à Mayotte, la FSU réaffirme que les droits s’appliquent sur l’ensemble du territoire national.
La FSU23 poursuivra son investissement dans les cadres unitaires qui défendent l’accueil digne et les droits des migrant·es et continuera à soutenir les associations, ainsi que leurs actions, qui y œuvrent au quotidien.
En juillet 2024 dernier, la préfète de la Creuse avait annoncé la fin de prise en charge de 5 familles (femmes avec enfants), pourtant présentes depuis des années sur le territoire, mais jugées en situation irrégulière, et avait menacé de les expulser de leurs hébergements d’urgence. Rapidement la mobilisation s’était organisée : des associations, collectifs, élu·es, soutenus par des syndicats et partis politiques, des citoyens et citoyennes, se sont rassemblé·es pour dire NON à ces expulsions pressenties POUR réclamer la RÉGULARISATION de ces familles.
Certaines situations s’étaient améliorées, d’autres non.
Mais toutes les actions menées avaient permis de mettre en lumière un élan de solidarité, de générosité et d’humanisme, tout simplement dans la population creusoise.
Malheureusement, l’histoire se répète. Le gouvernement Macron, de plus en plus perméable aux idées d’extrême droite, a durci encore les règles d’accueil des migrant·es et la préfète de la Creuse, en bon petit soldat, s’est empressée de mettre en application les nouvelles règles proposées dans la circulaire Retailleau de janvier 2025.
Suite à l’appel à rassemblement lancé en début de semaine dernière par plusieurs associations, une centaine de personnes – citoyens, citoyennes, syndicats, élu(e)s…, étaient réunies ce jeudi 3 avril au matin devant la préfecture de Guéret pour protester contre les OQTF et assignation à résidence de Mansour et de Maia et sa famille :
Mansour est un jeune homme originaire de Mauritanie, salarié agricole en CDI depuis plus de deux ans dans 3 fermes creusoises et en France depuis 4 ans. Il a quitté son pays sous la menace à la suite de ses prises de position en faveur de la défense de ses terres agricoles. Il était convoqué ce jeudi 3 avril à 10 h à la Préfecture de Guéret pour signer 2 arrêtés : une OQTF et une assignation à résidence. Sa demande de titre de séjour salarié, qui correspond aux exigences de l’article 4 bis de la loi immigration a été déposée le 1er février 2024, et il envoyait chaque trimestre ses nouveaux bulletins de salaire pour alimenter son dossier comme cela lui était demandé. Lors de ses appels téléphoniques, il n’avait pas obtenu de réponse de la préfecture, ni dans un sens ni dans l’autre. Mais ce jeudi, il était convoqué pour recevoir une OQTF, bien que ses employeurs soient particulièrement satisfaits de son travail, de ses compétences, de ses capacités d’adaptation et de son sérieux..Ses 3 employeurs l’accompagnaient d’ailleurs à cette convocation.
Maia est venue de Géorgie avec son frère et sa fille. La petite âgée de dix ans va à l’école, son frère est reconnu personne handicapée à plus de 80% par la MDPH23. Le 31 août , la Préfecture a arrêté leur prise en charge par l’hébergement d’urgence, mais notre mobilisation a permis de leur trouver un logement et leur situation précaire s’était quelque peu stabilisée. Ils sont tous trois accompagnés au quotidien par de nombreuses associations. Mardi 1er avril, Maia et son frère Erik étaient convoqués au commissariat de Guéret pour une mise en rétention administrative (qui peut durer 24 heures) afin de « vérifier leur situation ». Maia s’est rendue seule à la convocation, l’état de santé de son frère ne lui permettant pas de s’y rendre, sans savoir qu’elle allait y rester en « rétention » toute la journée. Maia est finalement sortie à 16h15, juste à temps pour aller chercher sa fille à l’école, après avoir signé une OQTF et une assignation à résidence.
M. devra se présenter chaque jour à la gendarmerie de Sainte-Feyre, à 15 km de son lieu d’habitation Maisonnisses, alors qu’il n’a pas de moyen de transport. Plusieurs personnes présentes lors du rassemblement ont d’ors et déjà proposé leur aide pour ces déplacements : merci à chacun et chacune.
Maia aussi devra se présenter chaque jour, au commissariat de Guéret.
Ces situations, et ces mesures sont inhumaines, incompréhensibles. La seule « logique » à laquelle elles répondent est celle des chiffres. Ces sacro-saints chiffes, ces quotas qu’il faut remplir ou atteindre à tout prix, totalement déconnectés de la réalité, de la vie, des gens, de l’humanité…
Les médias se font écho de la mobilisation et en particulier de la situation du jeune homme – salarié dans un métier reconnu « en tension » :
https://www.lamontagne.fr/gueret-23000/actualites/a-gueret-une-mobilisation-en-soutien-a-un-travailleur-etranger-soumis-a-une-oqtf_14666355/
https://www.radiofrance.fr/francebleu/podcasts/l-info-d-ici-ici-creuse/une-centaine-de-personnes-rassemblees-a-gueret-en-soutien-a-un-jeune-ouvrier-agricole-menace-d-expulsion-7728979
https://www.francebleu.fr/emissions/l-invite-d-ici-matin-creuse/ouvrier-agricole-menace-d-expulsion-trois-fermes-en-difficulte-selon-olivier-thouret-de-la-confederation-paysanne-23-2373832
https://www.ladepeche.fr/2025/04/04/il-faut-quelquun-pour-traire-mes-vaches-demain-frappe-par-une-oqtf-manssour-ouvrier-agricole-mauritanien-recoit-le-soutien-de-ses-employeurs-12616014.php
Les avocates vont faire des recours au tribunal administratif dans les deux cas, mais il va falloir s’armer de patience et malheureusement leurs résultats sont souvent négatifs. Mais ne perdons pas espoir, ne baissons pas les bras. Notre mobilisation de cet été a certainement joué un rôle dans l’annulation des expulsions de plusieurs familles de leurs hébergements !
Vu ces situations insupportables et d’autres que nous ne connaissons pas encore, vu l’injustice et l’arbitraire dont nous sommes témoins, il a été décidé de se rassembler chaque semaine, les JEUDIS soirs, à 18h devant la Préfecture.
POUR UN ACCUEIL DIGNE !
CONTRE L’EXPULSION de M. et Maia et sa famille !
Que le Limousin et la Creuse restent terre d’accueil !L’ensemble des associations et le comité de soutien associatif et citoyen aux personnes migrantes : « CREUSE SOLIDARITÉS »